Un hommage à mes enfants disparus

Lundi j’ai vécu pour la troisième fois la chose la plus horrible qui puisse arriver à une femme : perdre son enfant. Vous avez bien lu, c’est la troisième fois. J’ai dû subir 3 interruptions médicales de grossesse car nos enfants étaient atteints du même syndrome polymalformatif très grave. Non seulement leur pronostic vital était engagé mais s’ils avaient vécu, leur vie aurait été atteint un océan de souffrance au quotidien. C’est pour leur épargner cela qu’on a du se résoudre à interrompre les grossesses prématurément.

La première fois les médecins nous avaient dit que c’était un accident, que ça arrivait malheureusement dans 1% des cas, qu’on n’avait pas eu de chance, mais qu’il fallait recommencer, que tout irait bien. Notre petite fille est morte née le 2 septembre 2013. Notre tristesse a été immense.

4 mois après je suis à nouveau tombée enceinte. Quelle joie pour nous ! La conception avait eu lieu dans la période où aurait du naître notre petite fille. On s’est dit, c’est un signe, tout va bien aller. Il sera notre bébé victoire. A 12 semaines d’aménorrhées, la terre s’est à nouveau écroulée sous nos pieds : notre bébé était atteint d’un hygroma kystique avec une clarté nucale supérieure à 5mm. L’IMG a été programmée 3 semaines plus tard, le temps de confirmer le diagnostic auprès du centre de diagnostic anténatal et pour nous le temps de dire au revoir à notre petit ange. Notre petit garçon est mort né le 28 avril 2014. Cette fois les médecins nous ont dit qu’il ne s’agissait plus d’un accident (merci on avait bien compris) mais d’une récidive. Même si à ce jour la maladie n’a toujours pas été identifiée malgré de nombreux tests génétiques, la généticienne nous a confirmé qu’on avait 25% de risque de transmettre la maladie, car étant en pleine santé mon mari et moi, et n’étant pas consanguins, c’est le risque maximal qu’on prévoit généralement. Malgré ce nouveau drame on reprend espoir, on se dit qu’on a quand même 75% de chance d’avoir un enfant en bonne santé, et les médecins nous confirment qu’il faut retenter les essais bébé. C’est dur pour moi d’accepter ce risque mais je finis par me dire que nous avons plus à gagner qu’à y perdre.

13 mois après ce 2ème drame, je tombe à nouveau enceinte. Avec mon mari nous ne nous réjouissons pas trop. On procède par étape : d’abord confirmer que la grossesse évolue bien puis attendre l’écho de datation pour vérifier qu’il y a bien un embryon, puis attendre l’écho des 12 semaines. Pendant ces 3 premiers mois, on essaie de ne pas trop y penser, de ne surtout pas se projeter. Avant de retomber enceinte, j’avais cru que cette période d’attente serait difficile à vivre, mais finalement je le vis plutôt bien : tant que je ne sais rien, tout va bien. Mais plus la date de l’écho approche plus j’angoisse.

Le jour J, je suis complètement paniquée et je m’effondre dans le cabinet du médecin. On voit notre bébé dans le moniteur, le médecin l’observe attentivement, il ne dit rien, les minutes sont longues. On voit que le bébé bouge bien, mais il nous semble que la clarté nucale est épaisse. Le médecin finit par dire « je ne vois rien d’extraordinaire ». Qu’est-ce que ça veut dire ça « rien d’extraordinaire » ? Notre bébé va bien ou pas ? Il nous dit qu’il ne voit pas d’anomalies au niveau des membres (nos 2 autres bébés avaient des anomalies flagrantes détectables dès la 12ème semaine), la clarté nucale est à 2,4 mm, ce qui n’est pas un problème pour lui, ça reste « dans les normes ». Par contre il a remarqué un petit œdème autour du bébé. Il n’est pas très épais. Cela ne l’inquiète pas plus que ça. Il nous dit que cela peut arriver à ce terme, il est plutôt confiant. C’est en effet la première fois qu’on le voit avec une bonne tête. Il nous demande cependant de repasser une écho de contrôle dans une semaine afin d’observer l’évolution de cet œdème et de confirmer qu’il n’y a pas d’autres anomalies. Entre 12 et 13 semaines, le bébé grandit beaucoup et on le verra mieux. Nous sommes d’accord : on préfère être sûrs avant de se réjouir.

Une semaine plus tard, nous passons une nouvelle écho avec un autre médecin, excellent échographiste. Il nous confirme les résultats de la première écho. Il semble même que l’œdème a un peu diminué, ce qui est un très bon signe. Nous revoyons notre médecin avec les résultats. Il continue à être confiant. On se donne donc rendez-vous un mois plus tard pour la prochaine écho : c’est à ce moment-là qu’on pourra vraiment vérifier que l’œdème s’est bien résorbé, et donc se réjouir officiellement. Dans notre cas, il est en effet prévu de passer une écho de contrôle tous les mois. Je commence à avoir de l’espoir, d’autant que le bébé bouge beaucoup.

Un mois plus tard – c’est à dire la semaine dernière -, on passe notre écho de contrôle. Là c’est le choc : l’œdème a augmenté, les pieds commencent à se désaxer. Il semble y avoir un problème au niveau du cerveau. Le médecin nous indique qu’il s’agit d’une récidive et que le bébé est à nouveau très gravement atteint. Je suis assommée, je ne peux pas croire que le bébé est à nouveau malade, que je vais devoir à nouveau subir une IMG, que je n’aurai pas de bébé. Ce verdict désarçonne également notre médecin et la généticienne qui nous suit. Pour eux, c’est un cas exceptionnel, cela n’est jamais arrivé. Le taux de risque de transmission à 25% est remis en cause. Immédiatement je commence à parler du don d’embryons. Déjà à l’issue de ma 2ème grossesse j’avais déjà envisagé cette solution qui me paraissait plus raisonnable. Mais les médecins m’avaient dit à l’époque que compte tenu du risque estimé, notre demande serait rejetée… Je crois que là on y est : avec ces 3 drames on n’a plus rien à prouver. Notre médecin semble d’accord avec nous et nous dit qu’il sera prêt à défendre notre dossier. La généticienne est du même avis. Ils précisent quand même qu’ils n’ont encore jamais fait ça et qu’ils doivent se renseigner sur le protocole à suivre. Je sais de mon côté que cela va être très compliqué d’avoir les autorisations, car en France le sujet est assez tabou.

Aujourd’hui, 4 jours après l’IMG, j’ai décidé de me battre pour pouvoir mettre au monde mes autres enfants. Je sais que le combat va être difficile mais il ne le sera jamais autant que ce que j’ai pu vivre en perdant mes 3 enfants. En France, on a assez peu d’informations sur le don et l’accueil d’embryons. Même nos médecins ne savent pas grand-chose sur cette procédure. C’est la raison pour laquelle j’ai démarré ce blog. Tout d’abord il me permettra de garder une trace de toutes les étapes que l’on devra passer jusqu’à – nous l’espérons de tout notre cœur – la mise au monde de nos enfants (c’est une façon d’honorer la mémoire de mes enfants décédés mais aussi pour montrer à leurs futurs frères et sœurs à quel point ils sont désirés) mais également j’espère qu’il permettra à d’autres couples dans une démarche similaire à la nôtre de trouver peut-être un peu de réconfort en prenant conscience qu’ils ne sont pas seuls. Je vous invite d’ailleurs à me faire part de tous vos commentaires sur le sujet. A plusieurs nous sommes plus forts et moi aussi j’ai besoin de ce réconfort.

C’est ainsi que démarre notre combat. Il va être difficile, le parcours sera sans doute semé d’embûches, mais on espère trouver le courage pour aller jusqu’au bout. Tous encouragements de votre part seront également les bienvenus.

21 réflexions sur “Un hommage à mes enfants disparus

  1. bonjour casilys, je suis très touchée par votre récit que je viens de découvrir. 3 IMG, c’est horrible. Pour ma part, j’ai subi 2 FC et ça a été très dur mais c’est encore différent. Là, nous sommes dans la même démarche que vous, en attente d’un accueil d’embryons. Pour le moment, notre Cecos est en pénurie mais la gygy m’a dit que tel que nous étions en tête de liste… courage à vous pour la suite. En cliquant sur ma coccinelle en photo de mon profil, vous découvrirez mon parcours sur mes 2 blogs. Douces pensées à vous pour la suite.

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    1. Bonjour, merci pour ce commentaire. Je suis allée voir votre blog ce matin et je prends conscience que votre parcours est également très difficile. Quel courage vous avez ! Je sais aussi que le désir d’enfant est tellement fort qu’il peut nous faire supporter malheureusement beaucoup de choses. Je m’imagine tout à fait votre souffrance comme vous pouvez sentir la mienne. Je pense qu’elles sont comparables (il ne s’agit pas d’un concours) même si nos parcours sont un peu différents. Je vais continuer à vous suivre et je vous souhaite de tout cœur d’avoir prochainement un enfant.

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    1. Merci chriswal pour votre soutien. Oui mon parcours est très difficile, injuste, horrible mais je ne suis malheureusement pas la seule. La première étape va être d’accepter ce qui nous arrive, puis ensuite essayer d’avancer en choisissant une autre voie. Malgré ces 3 drames qui m’ont beaucoup fragilisée, je vais continuer à me battre.

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  2. Casilys, c’est avec beaucoup d’émotions et de tristesse que j’ai lu ton blog. Quel preuve de courage, je t’admire. Je vois que malgré cette atroce souffrance tu es déterminée, c’est admirable. Le parcours pour avoir un bébé est tellement difficile et on a chacune sa propre histoire mais toute le même immense désire : Être maman.

    Je te souhaite que ce don d’embryons t’apporte ce cadeau de la vie et que tu puisses mener une grossesse sereine. Il faut croire en la bonne étoile, la roue va finir par tourner.

    Bises de réconfort.

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  3. Quel parcours douloureux.
    Je vous souhaite de tout coeur d accéder à votre rêve et ce le plus vite possible, vous le méritez.
    Bon courage dans vos démarches, pleins d ondes positives à toi et ton mari. Restez unis c est votre force pour un bel avenir.
    Sandrine (des Cigognes)

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    1. Je te remercie Peppa. Comme dirait notre médecin, on a tous nos « valises » et il faut vivre avec. Il faut aller de l’avant, toujours, même si nous pensons tous les jours à nos petits partis beaucoup trop tôt.

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  4. Bonjour Casilys, non seulement votre témoignage est terriblement fort et nous emplit de compassion, du moins toutes ceux et celles ayant traversé de tels deuils, mais plus encore je pense qu’il m’aide personnellement. J’ai subi une IMG à 5.5 mois de grossesse suite à hypo VG il y a quelques mois. Nous avons tellement souffert mon ami et moi que je voulais laisser faire mère nature encore ce matin, jour des résultats de l’autopsie. Mais voila, il y aurait peut-etre une raison génétique selon le gynéco qui nous conseille d’aller voir un généticien car l’autopsie a révélé, outre l’hypo VG, une malf vertébrale lombaire. Cependant il nous a rassurés en disant que ce pouvait être une association tout à fait fortuite. Après ça, j’étais en proie au doute quant à une conception future, attendre ou pas les résultats de l’analyse génétique, d’autant que je ne suis pas toute jeune, 37 ans. J’étais perdue et puis, il y a 5 minutes, je tombe par hasard sur votre blog et réalise combien cette étape génétique est cruciale et probablement également le choix imposé d’une assistance médicale à procréation si je veux nous épargner des futures grossesses morbides. Je pousse aussi un énorme coup de gueule, on dirait que tout cela est tabou, chaque conseil, chaque diagnostic, chaque mot barbare appelle une cause, un avis qui n’est jamais évoqué ou partagé. On nous laisse le choix mais pour comprendre les CC et bénéficier d’un accompagnement c’est vraiment le parcours du combattant. Merci infiniment pour votre blog qui m’éclaire davantage. J’espère de tout coeur, de toute mon âme que vous aurez votre ou vos futurs enfant(s). Du courage vous en avez tellement eu ! Vous en aurez encore. J’espère aussi que votre conjoint et vous partagez de bons moments à deux, faites des choses qui vous rendent heureux. Profitez de chaque instant, je sais que l’on a pas envie mais c’est cette énergie, cette force qui nous fera réussir dans notre quête.

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  5. Bonjour Zelie
    Perdre un enfant est sans doute la chose la plus horrible qui puisse nous arriver. La douleur est immense et je sais parfaitement ce que vous traversez. Vous verrez le temps est notre allie. Votre souffrance sera tjs presente mais vous saurez l’apprivoiser car vous devez aller de l’avant. Vous vous en rendrez compte (si ce n’est pas deja le cas) qu’il est important de ne pas subir ces malheurs mais de tout faire pour etre heureux, malgre tout. C’est cela qui va vous aider.
    Pour les tests genetiques de notre cote ca n’a rien donne. Ceci dit la genetique n’en est qu’a ses debuts et la maladie de nos enfants ne semble pas etre repertoriee – pr l’instant. De meme il est aussi possible que ce soit un simple accident. Ce genre de « dossier » est tres delicat a apprehender. C’est a vous seule qu’il revient de decider si vous souhaitez reessayer naturellement ou opter pour une autre solution. C’est une decision difficile a prendre. Si vous souhaitez echanger je suis a votre disposition.
    Je vous souhaite beaucoup de courage.

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  6. Bonjour.je viens de lire votre histoire.msoeur vit cette situation actuellement et la elle en est a sa 4eme grossesse.et des anomalies se présentent encore au niveau du fœtus. Des anomalies que les médecins( ginecologue,ecographe,autres médecin..) ont du mal a mettre des noms.cependant elle ne désespère pas et veut attendre jusqu’à la sortie des autres tests pour prendre une décision. PS:s’il y’a une quelconque manière d’y remédier nous serons les plus heureux de le savoir.je vous remercie.

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    1. Bonsoir
      Je suis desolee pour votre soeur et je sais parfaitement les souffrances qui doivent etre les siennes. Je comprends egalement son souhait d’attendre les resultats des examens. On ne sait jamais. Et on a besoin d’avoir toutes les infos en main pour pouvoir prendre la meilleure decision pour son enfant. Malheureusement on ne sait pas toujours tout car la genetique n’en est qu’a ses debuts.
      De notre cote on a opte pr le double don car je ne me sentais plus capable de revivre un tel traumatisme.
      Je souhaite bcp de courage a votre soeur. Elle aura besoin d’etre soutenue. Le plus important pour les proches c’est de ne surtout pas eviter le sujet si elle a envie d’en parler. Le pire c’est de faire comme si cela n’avait pas existe.
      Je suis a votre disposition si vous souhaitez echanger.

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